Thierry Rousseau, chargé de mission à l’ANACT

Clément Ruffier, chargé de mission à l’ANACT et chercheur associé au centre Max Weber 

 

A partir d’une intervention sur les conditions de travail dans un service informatique d’une grande entreprise de transport, cet article vise à rendre compte des enjeux de la sous-traitance dans les rapports de domination. Du point de vue des relations inter-entreprises, la sous-traitance a souvent été analysée comme une forme de domination. De nombreuses recherches ont également mis en avant les risques liés à la sous-traitance pour les salariés des sous-traitants (risques professionnels plus importants, contournements du code du travail, intensification du travail ou encore précarisation socio-économique). Cette communication se propose d’interroger la possibilité d’étendre ces analyses en termes de domination aux salariés du donneur d’ordres. L’analyse se base sur le cas du projet « Artémis » qui vise la transformation des rapports de sous-traitance et a d’importantes conséquences sur les rapports de domination, même au sein du service étudié qui est le donneur d’ordres.

Dans un premier temps, nous nous arrêterons brièvement sur la place de la notion de domination dans la sociologie en général et dans la branche de cette discipline consacrée au travail. Nous porterons également un regard sur les recherches qui voient dans la sous-traitance une forme de domination.

Dans un second temps, nous présenterons les transformations des rapports de domination auxquelles participe le projet « Artémis » : multiplication des sources de prescriptions et de transformation des moyens du contrôle et des modalités d’interactions entre les équipes autour de références à la logique marchande. Aux relations hiérarchiques et matricielles internes à l’entreprise, s’ajoutent les clients auxquels le projet souhaite donner plus de poids et les intervenants externes qu’il faut traiter comme des partenaires dans le travail, mais également renouveler plus souvent dans une logique de mise en concurrence. Pour les porteurs du projet, c’est le contrat, malgré son incomplétude intrinsèque, qui doit permettre d’organiser les interactions.

Nous verrons également comment le projet « Artémis » participe de l’affaiblissement de la position des salariés dans les rapports de domination. En effet, il contribue à un affaiblissement des collectifs de travail et des logiques collaboratives qui constituent des atouts des salariés dans ces rapports. Le projet menace en effet les logiques de proximité géographique et fonctionnelle qui organisent les réseaux de coopérations entre les salariés de la division et les sous-traitants (qui sont perçues par la direction comme des connivences préjudiciables à l’efficacité) au profit de relations strictement contractuelles. Il introduit une discontinuité géographique et organisationnelle entre les équipes amenées à coopérer. De la même manière, nous verrons que le projet contribue à affaiblir les logiques métiers.

Dans un troisième temps, nous étudierons les crises auxquelles le projet a été confronté avec  un mouvement social d’une ampleur sans précédent dans cette division et des difficultés de mise en œuvre. Il s’agira alors de présenter les évolutions de ce projet en mal de légitimité auprès des salariés. Celles-ci passent par le déploiement de techniques managériales visant à gagner l’adhésion des salariés tout en ne modifiant qu’à la marge le contenu du projet. Le panel des salariés invités à donner leur avis a progressivement été élargi. En parallèle, le champ de réflexion a été fortement réduit par l’occultation de la discussion sur le contenu du projet au profit de la « bonne attitude » que les salariés devraient nécessairement adopter envers le changement (sensée être positive par nature). Loin de chercher à ouvrir les controverses, ces espaces tendent à naturaliser la stratégie de l’entreprise, notamment autour de l’affirmation de ce qui appartient ou non au « cœur de métier » et doit donc être réalisé en interne ou peut au contraire être externalisé.

 

1. Domination, travail et sous-traitance

 

1.1.         La place de la domination dans la sociologie générale et de la sociologie du travail

 

L’analyse de la domination est un concept central en sociologie. Dans le monde social, l’asymétrie des relations entre les acteurs se rencontre fréquemment : le pouvoir est inégalement réparti, l’attribution des avantages et des responsabilités repose sur la captation par certaines catégories d’acteurs de l’accès aux ressources et aux privilèges ainsi que par la disposition à commander et influencer l’action d’autrui. Pour la sociologie, cette situation ne relève pas d’un état de fait naturel mais de phénomènes dynamiques par lesquels la domination sociale se construit historiquement et structurellement. Cette position était déjà pour partie celle d’Etienne de la Boétie dans son célèbre discours de la servitude volontaire : par delà la crainte de l’autorité, et outre l’habitude et la coutume, le consentement à la servitude repose sur des mécanismes sociaux de propagation du pouvoir[1]. Il en va ainsi dans de nombreuses approches sociologiques, de la sociologie de Max Weber où la domination est toujours une relation incertaine entre plusieurs acteurs portés par des logiques d’actions dissemblables (la domination rationnelle-légale, la domination traditionnelle et la domination charismatique) jusqu’à l’analyse stratégique défendue par M. Crozier et E. Friedberg. Il s’agit ainsi de penser, dans ces traditions intellectuelles « (…) la domination sous les traits non pas de l’implacabilité de ses procédures mais sous ceux de la conditionnalité de ses résultats » (M. Messu, 2012, p. 9).

Pour autant, même muni de ce cadre cognitif, cette question n’est pas aisée à élucider dans l’analyse des situations de travail. Dans le taylorisme et même dans les compromis fordiens institués au cours du XXième siècle, le problème semble rétrospectivement simple à identifier. La domination s’incarne dans des règles intangibles, dans une one best way qu’il faut suivre impérativement (même s’il existe en pratique des stratégies de détournement plus ou moins clandestines des règles en vigueur). Le taylorisme, de ce point de vue, c’est d’abord un formidable outil pour transférer le contrôle de la production et du travail des mains des salariés vers le management et les organisateurs[2]  etc. Le fordisme poursuit ce mouvement tout en offrant des compensations sociales aux salariés : définition des postes pour limiter la flexibilité, amélioration des conditions de travail, garantie et socialisation des revenus, etc. (voir entre autres B. Trentin, 2012). La domination fordienne organise un véritable troc entre les managers – responsables de la conception de l’organisation du travail – et les salariés qui consentent à abandonner toute une série de prérogatives sur la façon d’organiser leur travail contre certaines formes de protection et de garanties sociales.

Aujourd’hui, ce compromis a largement vécu. Pour autant, l’hypothèse post-fordiste qui agitait un certain nombre de chercheurs au début des années 90 s’est révélée largement problématique. Plusieurs concepts ont alors été développés pour décrire et caractériser le dépassement du fordisme : la spécialisation souple avec M-J. Piore et C-F. Sabel (1989), le nouveau modèle de production et la reprofessionnalisation des ouvriers de H. Kern et M. Schuman (1989), la recomposition du travail et les équipes autonomes dans le « modèle » Volvo à Kalmar et Uddevela, le lean popularisés aux Etats-Unis par J. womack et D. Jones (2009) et le dépassement de la production de masse avec M. Kenney et R. Florida (1988), etc. L’ensemble de ces approches, au-delà de leurs différences, tend à faire passer au second plan l’analyse de la domination dans le travail. Celui-ci est perçu comme un espace foncièrement coopératif dans lequel des acteurs entrent en relations librement pour maximiser leurs avantages et faire profiter les autres de leur degré de spécialisation. La question de la domination tend ainsi à disparaître de l’horizon cognitif de ce type d’approche.

Pour autant, la question se pose toujours avec acuité lorsque l’on observe l’évolution récente des modes d’organisation du travail. A notre sens, la crise historique du fordisme n’a pas débouché sur un modèle dans lequel la question de la domination s’évaporerait dans la figure de salariés à la fois flexibles et hautement spécialisés tout en étant dotés de garanties sociales élevées. Plus, on peut poser l’hypothèse que les modes de domination du travail sont singulièrement plus sophistiqués qu’autrefois. Un nouvel esprit souffle désormais sur l’organisation du capitalisme en entreprise bien mis en lumière par L. Boltansky et E. Chiapello (2011). Souvent, c’est d’ailleurs au cœur même des mécanismes de production organisationnels que s’immiscent des principes de gestion qui appellent à la managérialisation des relations sociales et à la transformation des salariés en entrepreneurs de soi. Pour pousser la recherche de performance, les organisations sont volontairement mises en crise avec la large diffusion du modèle du flux tendu (Durand, 2004). Au sein de celles-ci, la concurrence entre salariés et une « culture de la précarité » s’installent, ces derniers devant alors constamment faire preuve de leur efficacité pour ne pas être graduellement sortis du jeu (Courpasson, 1997). L’affaiblissement des soutiens traditionnels des salariés (métiers, collectifs etc.) et le renouvellement permanent des dispositifs gestionnaires rendent difficile toute forme de résistance (Metzger, 2012). Cette situation renouvelle l’analyse des rapports de domination dans le travail. Ceux-ci relèvent moins de l’imposition d’une structure hiérarchique pesante que de l’invitation qui est faite à chacun de devenir l’entrepreneur de sa propre carrière et de considérer de manière instrumentale toutes les dimensions de la vie organisationnelle. Pour autant, rien n’est joué en pratique, des résistances se font jour et les équipes projets se retrouvent dans la situation de devoir altérer le schéma initial de cette réforme organisationnelle. La domination n’est alors pas tant un donné qu’un résultat provisoire et instable de l’action sociale. C’est ce que nous verrons dans cette contribution à partir de l’exemple d’un projet de restructuration des rapports de sous-traitance dans un service informatique d’une grande entreprise de transport. De ce point de vue, cet article se veut une contribution à l’analyse de la construction par « en bas » de la transformation du capitalisme mais aussi de l’analyse des dynamiques de résistance à ce type de projet  (V. Boussard).

 

1.2.         Sous-traitance et domination : de la domination dans des entreprises sous-traitantes à celle de leurs salariés

 

Les rapports de sous-traitance peuvent être décrits comme une forme de domination (Supiot, 2003). Au-delà de la diversité des situations (Ponnet, 2009), marquées par une interdépendance dont le sous-traitant peut parfois être le bénéficiaire (Mariotti, 2004), il existe en effet une tendance fortement favorable au donneur d’ordre ; le rapport de force lui est avantageux en raison de la dépendance économique du sous-traitant. Une étude, réalisée à partir de l’enquête COI, montre ainsi que les contraintes imposées à une entreprise par ses clients sont plus fortes dans le cas d’une relation de sous-traitance (Duhautois, Perraudin, 2010). Cette domination s’est traduite par la prégnance jusque dans les années 1980 d’un mode de coordination des rapports entre donneur d’ordres et sous-traitant reposant sur le contrôle direct des sous-traitants par le donneur d’ordre (Baudry, 2005).

A partir des années 1980, certaines entreprises transforment les modalités de régulation des rapports entre donneurs d’ordres et sous-traitants en s’inspirant des principes hérités de l’organisation des keiretsu au Japon, rendus célèbres lors de la diffusion du Toyotisme. Certains chercheurs et analystes voient dans ce mouvement l’apparition d’un nouveau modèle d’organisation de la sous-traitance, fondé sur des rapports plus coopératifs et égalitaires. Pour ces approches, ce nouveau modèle repose sur un rapport plus équilibré entre le donneur d’ordres et ses sous-traitants ainsi qu’une nouvelle répartition des tâches, des risques et des profits qui ne donne plus la prééminence exclusive aux donneurs d’ordres. Ce modèle se caractérise notamment par un élargissement des tâches confiées aux fournisseurs, responsables, par exemple, de la réalisation d’un sous-ensemble complet au lieu de l’exécution d’une seule pièce. Le sous-traitant est également impliqué dans des tâches d’innovation et non plus seulement d’exécution de gammes imposées par le donneur d’ordres.

Les cas dans lesquels un partenariat de ce type s’est développé, tel que ces approches ont été amenées à le décrire, sont en réalité des exceptions (voir notamment Gorgeu, Mathieu, 1993, Altersohn, 1997, Freyssenet, 2001 ou encore Mariotti, 2005). Un nombre important de pratiques faisant référence à ce nouveau modèle sont en réalité peu « partenariales » et l’attitude collaborative du fournisseur n’implique pas nécessairement un engagement réciproque de son client (Whitford, 2005). De plus, les pratiques que les entreprises nomment « partenariat » accordent un rôle central à une nouvelle forme de coordination : l’incitation (Baudry, 2005). Néanmoins, elles ne font pas disparaître la domination du donneur d’ordres ni le recours au contrôle par celui-ci. Au contraire, ces pratiques peuvent contribuer à renforcer la dépendance des sous-traitants lorsque ceux-ci s’engagent dans le financement de produits, services ou moyens de production spécifiques à la demande du donneur d’ordre et qui ne sont donc pas facilement redéployables dans d’autres situations (Baudry, 1993). Le « partenariat » ne modifie en fait que les moyens de la domination. Dans ce nouveau modèle, les rapports de domination dépendent non seulement de la reconduction ou non du contrat, mais aussi des mesures incitatives que celui-ci impose, et s’appuient sur différents mécanismes qui assujettissent les sous-traitants aux donneurs d’ordres : le marché et la mise en concurrence systématique, la pression des pairs, la figure impérative du client ou encore l’auto-contrôle et le benchmarking.

De nombreuses recherches ont également mis en avant les risques liés à la sous-traitance pour les salariés des sous-traitants. Une étude réalisée par la DARES à partir de l’enquête COI (Algava, Amira, 2011) montre que les conditions de travail sont plus dégradées dans les entreprises sous-traitantes que dans les autres entreprises. Cette analyse a également été complétée par de nombreuses recherches qualitatives qui pointent des risques professionnels plus importants (Thébaud-Mony, 2001, Doniol Shaw, 2001, Grusenmeyer, 2007), contournements du code du travail (Morin 1994, Magrand, 1975, Chassagnon 2008), intensification du travail (Gollac, Volkoff, 1996). ou encore précarisation socio-économique (Caire, 1982, Beaujolin, 1999). La sous-traitance se caractérise par une relation triangulaire d’emploi (Sobczak, Rorive Feytmans, Havard 2008) dans laquelle un acteur intervient entre l’employeur et le salarié. Malgré l’important contrôle dont il peut disposer sur les conditions de travail et d’emploi, sa responsabilité vis-à-vis des salariés est rarement reconnue. Ces analyses, aujourd’hui largement partagées, ont conduit des auteurs à présenter la sous-traitance comme une nouvelle forme de domination des salariés (Tinel, Perraudin, Thévenot, Valentin, 2007, Thébaud-Mony, 2001). Néanmoins, ces études laissent de côté une question : les effets du recours à la sous-traitance sur les salariés du donneur d’ordre. C’est à cette lacune que vise à répondre cet article à partir d’une recherche réalisée dans le service informatique d’une grande entreprise de transport.

 

2. La sous-traitance participe-t-elle de la domination des salariés du DO ?

 

Cette communication se propose d’interroger la possibilité d’étendre les analyses de la sous-traitance en termes de domination aux salariés du donneur d’ordres. Une intervention réalisée dans la division informatique d’une grande entreprise de transport mettant en place un projet pour transformer son mode de recours à la sous-traitance permettra de proposer une réponse positive à cette question. Après avoir présenté le contexte dans lequel se jouent les situations décrites, nous reviendrons sur le contenu du projet et ce qu’il change en termes de rapport de domination au sein du service étudié. Nous argumenterons alors que le projet est symptomatique d’un renouvellement important des modalités de domination au travail. Nous verrons dans un troisième temps comment le projet participe également à un affaiblissement des formes de soutien traditionnel des salariés dans les rapports de domination.

 

2.1.         Un service en mutation

 

Malgré une réputation d’immobilisme, l’entreprise à laquelle appartient le service informatique étudié traverse de profonds changements. Ces changements revêtent une dimension organisationnelle et gestionnaire importante. Ces dernières années, le caractère multidivisionnel de l’entreprise, avec une intégration verticale et horizontale, legs historique et modèle dominant, s’est considérablement affaibli au bénéfice du développement d’entités de plus en plus séparées, autonomes du point de vue financier et décisionnel. Concrètement, cette entreprise est aujourd’hui organisée en différentes branches qui tendent à s’émanciper d’un centre tutélaire et prescripteur en dernière instance. Elle connaît ainsi un processus de désencastrement des métiers au profit de nouveaux espaces de valorisation et de contacts plus spécialisés avec la clientèle (développement de logiques « produits »). L’objectif consiste à alléger l’entreprise, à développer le « faire-faire » et la sous-traitance, à mettre en concurrence les entités nouvellement créées. Un nouveau modèle gestionnaire se met ainsi en place, qui combine l’appel à des régulations marchandes et à une meilleure qualité de service.

L’organisation des services informatiques étudiés n’échappe pas à ce mouvement. Il emploie environ 750 salariés principalement des informaticiens avec un statut de cadre et réalise le développement et la maintenance d’une grande partie des applications utilisées dans cette entreprise. Les modes traditionnels d’organisation, centrés sur les métiers ou les techniques sont peu à peu abandonnés au profit d’une orientation par fonction, au service des entités-clients de l’entreprise pour lesquels ils travaillent. La nature des relations entre l’informatique et ces entités a également été modifiée avec la mise en place d’une organisation client/fournisseur.

 

2.2.         Le projet « Artemis » comme renouvellement des formes de domination

 

Fin 2009, un projet de restructuration des rapports entre le service et ses sous-traitants a été dévoilé : le projet « Artémis ». Celui-ci a d’importantes conséquences sur les rapports de domination au sein de cette entreprise. Une intervention sur les conditions de travail au sein de ce service a été l’occasion de conduire une enquête sur les conséquences de ce projet[3].

Le projet poursuit un mouvement général d’externalisation du travail. En 2010, environs 55% de l’activité du service étaient externalisés. Avec le projet, la cible des 75% est avancée. Le projet s’inscrit également dans un processus d’élargissement des missions confiées aux sous-traitants : ceux-ci, qui réalisaient principalement les tâches de développement, prennent dès lors en charge celles liées à la conception et aux tests des applications avant livraison. Enfin, Artémis poursuit un processus dit de « massification ». L’objectif consiste à réduire le nombre d’entreprises sous-traitantes employées pour réaliser des économies d’échelle. D’un point de vue organisationnel, le projet introduit deux changements de fond : le passage à une organisation de type « centre de service » et le partenariat avec une grande entreprise informatique.

L’idée sur laquelle le développement des centres de services repose, consiste à mettre en place un « guichet unique » auquel le « client interne » peut s’adresser pour toutes ses demandes. Le centre de service inclut ou interagit avec les fonctions supports du « client interne ». Alors que l’ensemble des prestataires travaillaient dans les locaux du service étudié, et donc en interaction directe avec les salariés de leur donneur d’ordres, l’organisation en centres de services prévoit qu’une partie des activités soit réalisée hors des locaux et éventuellement en « offshore ». Dans le cas du projet « Artémis », le centre de services est l’intermédiaire entre les « clients internes » et les entreprises sous-traitantes qui développent les applications. Cette organisation propose donc de piloter les projets informatiques à partir d’une unité (le centre de services) qui est directement en contact avec le destinataire (le client interne) tout en n’assumant pas directement les aspects techniques du projet (l’informatique), comme c’était le cas jusqu’à présent. La spécialité du service consiste alors à traiter prioritairement de la relation commerciale. Pour les salariés, c’est un nouveau métier, moins informatique et axé plus fortement sur le soin apportée à la relation avec le client. Cette organisation  promet à ceux qui l’utilisent la capacité de gérer une activité réalisée par un tiers sans entrer directement dans la technique[4].

Parallèlement, le projet « Artémis » passe par un partenariat avec un acteur majeur du secteur informatique international au travers de la création d’une joint-venture. Le partenaire doit fournir un appui à la mise en place des « centres de services ». Il se fait fort d’obtenir grâce à cette organisation une baisse importante des coûts de la sous-traitance. En échange, l’entreprise de transport s’est engagée à faire traiter un volume important de son activité par la joint-venture, ce qui signifie une croissance supplémentaire du taux de sous-traitance.  La joint-venture aura concrètement le rôle de sélectionner les sous-traitants et de rationaliser le recours à la sous-traitance en proposant différents forfaits, c’est-à-dire différents types de contrats avec les fournisseurs, parmi lesquels les salariés du service informatique sélectionneront les plus adaptés aux besoins des clients.

Les nouvelles formes organisationnelles développées par les concepteurs du projet « Artémis » empruntent moins à des formes hiérarchiques qu’à l’appel à des structures souples régies par des contrats économiques. Le travail (au sens de l’activité) est alors moins vu comme la combinaison de différentes compétences, sous l’égide d’un principe organisationnel relativement univoque que comme l’achat de prestations sur un marché entre des entités juridiques distinctes. En même temps, cette logique imprègne l’organisation même du travail au sein des restes de l’entreprise-institution (le cœur de métier). Les salariés de ce cœur sont invités à devenir des acheteurs de prestations tandis que les relations internes sont teintées par des logiques de simili marchandisation (les rapports clients-fournisseurs). En ce sens, ces formes participent donc du développement d’une nouvelle forme de domination.

 

2.3.         Le projet « Artemis » et l’affaiblissement des capacités de résistance des salariés

 

Pour les salariés, le projet « Artémis » est susceptible d’avoir trois types de conséquences : la fragilisation des collectifs de travail, le développement d’un sentiment d’insécurité et la remise en cause des logiques métiers.

Une conséquence du projet « Artémis » est de casser les logiques de proximité géographique et fonctionnelle qui organisent les réseaux de compétences et de coopérations entre les salariés du service et ceux des entreprises sous-traitantes. En effet, pour la direction, cette proximité, qui est décrite comme une forme de « connivence », pose problème puisqu’elle ne permettrait pas aux salariés du service informatique de tirer le maximum des salariés prestataires, de juger leurs productions objectivement et de les mettre en concurrence avec d’autres sous-traitants. Or, la proximité rend possible une interconnaissance et favorise la coopération au sein des équipes (Grossetti, 1995).

De plus, la valeur ajoutée du service informatique étudié est actuellement de réaliser des traductions entre une compétence technique détenue principalement par les prestataires externes et une connaissance fonctionnelle provenant des clients sur les spécificités de l’entreprise de transport. Le collectif de travail conserve néanmoins des connaissances relatives à ces deux champs, ce qui permet aux salariés de réaliser le passage de l’un à l’autre : ils peuvent ainsi assurer un appui à la définition des besoins par leurs clients et favoriser la traduction de ces besoins en termes techniques. Ils sont ensuite à même de s’assurer que ces aspects techniques et fonctionnels soient bien respectés dans les livrables réalisés par les sous-traitants. L’autonomisation des sous-traitants entrainée par le projet « Artémis » et la présence du partenaire, interrogent le rôle du service informatique. Il existe un risque que ces acteurs s’approprient les savoirs informatiques et fonctionnels de l’entreprise étudiée, lesquels sont liés étroitement à son cœur de métier (notamment les logiciels qui permettent d’organiser le transport) et puissent à terme avoir un contrôle important sur ces derniers. Ce projet suscite chez les salariés, le management et une partie de la direction pour l’avenir de leur structure, un sentiment d’insécurité et renvoie au développement du flou grandissant entre emploi stable et précaire par une véritable « déstabilisation des emplois stables » (Castel, 1995). Cette évolution remet en cause les compromis souvent observés entre, d’une part, la préservation des conditions de travail et d’exercice des métiers du noyau central de l’entreprise, et d’autre part, l’imposition de moins bonnes conditions aux salariés situés à la périphérie et l’exécution par ceux-ci de fonctions ancillaires[5]. Le noyau stable devient ainsi soumis à des formes d’insécurité nouvelles : tout un chacun, par ses performances, devra justifier plus fortement la possibilité qu’ont les clients de recourir à ce collectif professionnel, qui a le défaut d’être encastré dans une organisation, plutôt que de recourir à des prestations achetées sur le marché. Une véritable mise à l’épreuve[6] se dessine dans laquelle les conventions marchandes revêtent une importance renouvelée pour juger de la valeur des personnes et des services que celles-ci proposent.

Le projet « Artémis » a également pour but de repositionner les salariés du service sur des tâches d’assistance aux clients et de conduite de projet au détriment des tâches techniques de conception et développement informatique qui étaient les leurs jusqu’à présent et sur lesquelles ils fondaient leur identité professionnelle. L’externalisation d’activité entraine un risque chez le donneur d’ordres de perte de compétences et de déstructuration des cultures de métier (Héry, 2009). Le fait que les sous-traitants ne soient plus présents dans les locaux contribue à renforcer cette distance entre le pilotage des projets et leur réalisation. Les « centres de services » reposent sur l’idée que l’on peut gérer un projet informatique de manière gestionnaire sans prendre en considération les ficelles du métier d’informaticien et ses avatars techniques.

En conclusion, le projet « Artémis » vient donc percuter les collectifs et la culture de métier qui sont traditionnellement deux leviers des salariés pour résister aux formes de domination au travail. Ainsi, la remise en cause des logiques de proximité participe d’une dégradation des collectifs. Ce processus est renforcé par le développement d’un sentiment d’insécurité et la mise en concurrence entre les équipes internes d’une part et avec les équipes externes d’autre part qui doivent alors constamment faire preuve de leur efficacité. De la même manière, le positionnement sur un cœur de métier qui s’éloigne de l’informatique, contribue à un affaiblissement de la position des salariés  qui ne peuvent plus justifier des spécificités du métier.

 

3. Résistances et adaptations d’une stratégie de domination en mal de légitimité

 

Le projet « Artémis » contribue donc à un renouvellement des formes de domination dans ce service et participe d’un affaiblissement des mécanismes de soutien traditionnel des salariés dans les rapports de pouvoir. A la violence du contenu du projet, s’ajoute celle des méthodes de pilotage du changement. Alors que, dans un premier temps, le projet a été pensé dans le plus grand secret et imposé de manière descendante, la direction a, dans un second temps, lancé un processus participatif afin de convaincre les récalcitrants d’accepter le projet et ses conséquences. Chacun était donc invité à s’exprimer dans des séminaires et des lieux d’expression soigneusement encadrés par des consultants internes et l’encadrement. L’enjeu ne consistait pas à débattre du contenu du projet, ni d’influencer sa mise en œuvre mais bien d’obtenir l’assentiment des salariés à la logique du projet (les centres de services et la transformation du métier vers des dynamiques de relation à la clientèle). De plus, ce mode de conduite du changement s’est doublé par la réouverture des avancements et des promotions qui avaient été bloqués pendant un certain temps. Pour les porteurs de projet, cette politique a permis de trouver des relais au sein du groupe des salariés qui était jusqu’alors resté soudé dans son opposition. Résultat, même si la majorité des salariés reste opposée au projet, le niveau de conflictualité semble avoir diminué dans l’entreprise. Pour autant, des compromis sont trouvés et la logique de déploiement des centres de services – qui se traduit par le désencastrement de l’unité fonctionnelle du service au profit de relations contractuelles – s’essouffle progressivement et la direction révise son projet initial.

 

3.1.                 Les mesures d’accompagnement au changement

 

Dans un premier temps, la direction du service étudié a essayé de lancer le projet sans aucune information ni participation des salariés, arguant que les incidences du projet sur les conditions de travail étaient mineures. Par conséquent, les instances représentatives du personnel ne sont pas consultées. Aucune information n’a filtré sur le projet avant une fuite dans la presse, dévoilée par un « lanceur d’alerte » [7] fin 2009.

Cette absence de communication sur le projet crée une importante émotion parmi le personnel. Le manque d’éléments concrets ayant filtré sur le contenu du projet suscite des inquiétudes qui sont à l’origine d’un mouvement de grève sans précédent dans l’histoire du service. Cette évolution est d’autant plus notable que le service est composé en grande majorité de cadres, traditionnellement rétifs à l’action collective.

Le mode de justification initial de l’action proposé par les équipes projets, reste foncièrement minimaliste. Il découle moins d’une analyse des spécificités et des besoins de celui-ci que de normes managériales mise en place par mimétisme. Aucune analyse des besoins et des risques associés à ce projet de sous-traitance n’a été entreprise. Le projet a été concocté en petits comités. Pour plusieurs intervenants, y compris au sein du comité de direction, le projet est même l’affaire d’un seul intervenant : le directeur général (lequel a quitté l’entreprise avant notre intervention). Outre le miroitement de gains économiques (la réduction des coûts), le projet se justifie par le recours à des théories de la gestion que l’on ne questionne jamais. Pour ceux-ci, le projet est intrinsèquement rationnel et ne nécessite pas de recourir à des formes de légitimation particulièrement sophistiquées.

Face aux résistances rencontrées qui surprennent les décideurs, ceux-ci utiliseront d’autres techniques pour obtenir l’assentiment volontaire ou forcé des collectifs de travail. D’ailleurs, face au tollé soulevé par le projet et le secret dans lequel il a été mis en place, le directeur général du service informatique se voit contraint de partir. Le nouveau directeur a pour mission de lancer une démarche de gestion du changement. Dans le respect des choix initiaux, sans remettre ceux-ci en cause, ni sans mettre en débat la logique du projet, il s’agit de faire accepter le projet par les salariés et de le mettre en œuvre concrètement. L’hégémonie managériale sur le projet doit être restaurée.

Pour ce faire, une démarche de conduite du changement plus participative est mise en place. Cette démarche part du haut vers le bas : il s’agit d’abord de convaincre les managers de haut niveau et de les impliquer dans le processus de changement. La visée de l’action est pratique : mettre en place les centres de services et définir le contenu des nouveaux métiers. L’enjeu, pour la gestion des ressources humaines, consiste aussi à s’assurer que les personnes dont l’emploi est menacé retrouvent un poste qui les satisfasse. Il s’agit de prévenir les risques de conflits et d’empêcher que des situations individuelles ne dégénèrent[8]. Progressivement, les managers intermédiaires et une partie des managers de proximité ont également été impliqués mais pas les salariés sans fonction d’encadrement.

La démarche peinant à être mise en œuvre[9] et l’opposition des salariés restant forte, la direction décide d’approfondir le processus. Elle fait appel à deux consultants internes dont la mission a été d’organiser une participation plus large, tout en limitant le champ de la réflexion à la question de l’attitude des salariés. Ces lieux, qui rassemblaient tous les niveaux hiérarchiques (sous prétexte de s’affranchir du « système » des relations hiérarchiques), se sont révélés très peu propices au développement du discours critique, pourtant encore majoritaire. En effet, les séances de travail rassemblaient un nombre très important de personnes avec des temps de parole fortement contraints, en raison d’un nombre de sujets à aborder important. Enfin, lorsque malgré tout des critiques arrivaient à se faire entendre de façon, il est vrai, parfaitement timide, les consultants étaient là pour rappeler à l’ordre les récalcitrants : le changement devait s’imposer sans coup férir. De plus, comme ces séminaires étaient justement consacré à travailler « l’attitude » de chacun, toute critique émise apparaissait comme relevant d’une mauvaise attitude, préjudiciable à l’effort commun). Le piège se refermait ainsi sur toutes positions alternatives puisque celles-ci étaient invalidées comme la preuve d’une attitude défaillante qu’il fallait justement combattre et dépasser. De ce point de vue, cette pratique pose la question des ressources mobilisées dans la conduite du changement. Visiblement, la direction est prête à consentir des moyens importants (réunion des équipes, location de salles à l’extérieur, recours à des consultants internes et externes, etc.) pour s’assurer de l’engagement des salariés à l’égard du projet. Il s’agit alors moins d’ouvrir un espace de confrontation argumenté, projet contre projet, et destiné à alimenter une négociation sociale, que de débusquer et de réduire les oppositions potentielles par des méthodes d’animation des groupes.

Ainsi, le type de justification utilisé pour le projet, lié davantage à une norme managériale qu’à une analyse des spécificités du travail du service, ainsi que les modalités de conduite de changement descendant reposant sur le secret dans un premier temps et la mise en place d’espaces faussement participatifs renforce les mécanismes de domination. En pratique, ils contribuent à empêcher tout débat sur les choix retenus. Dans ce sens, ce recours est une façon d’assurer la domination du management sur un choix qui a pour effet de déstructurer profondément l’organisation et d’affaiblir la capacité de résistances des salariés.

 

3.2.         Entre résistance latente et embarquement des salariés

 

Alors que le rejet par les salariés du projet « Artemis » à son lancement avait été quasiment unanime (avec plus de 80% de salariés grévistes selon les syndicats), la politique de conduite du changement a conduit à fissurer le collectif. Face à cette démarche, la réaction des salariés du service a été variée.

En s’appuyant sur la typologie développée par V. Boussard dans une entreprise similaire, il est possible de distinguer quatre types de salariés au sein du service. Le premier type qu’elle nomme « carrière » est composé de cadres qui se considèrent comme des managers ou des dirigeants qui ont eu une carrière rapide. Leur évolution ne se fait pas dans un métier mais par apprentissages et reconversions successives. Ils sont attachés à l’idée de rentabilité et tirent leur légitimité de la mise en place des dispositifs de gestion proposés pour moderniser l’entreprise en imitant les normes du secteur privé. Ce sont les cadres les plus proches de « l’ethos » managérial. Le deuxième type « métier » est constitué de cadres qui basent leur légitimité sur leur métier, sont attachés à l’idée de qualité de service et se voient comme des experts. Les dispositifs gestionnaires sont vus comme des contraintes bureaucratiques que l’on met en place « pour avoir la paix » mais que l’on contourne autant que possible.  Le troisième type « challenge » sont des jeunes cadres proches du type carrière mais étant au début de leur parcours professionnel. Le discours est centré sur la nécessité d’apprendre. Le quatrième type « conciliation » est constitué majoritairement de femmes qui sont venues dans cette entreprise pour concilier vie professionnelle et familiale.

La majorité des salariés composée des types « métiers » et « conciliation » reste forte comme l’a montré un nouveau sondage réalisé auprès des salariés fin 2011[10]. Un phénomène d’usure s’installe et les opposants au projet, s’ils conservent une attitude critique, sont moins revendicatifs. Le conflit ouvert devient ainsi progressivement une confrontation latente.

Cependant, la politique de conduite du changement a permis « d’embarquer » dans le projet selon l’expression d’un des porteurs du projet les salariés de type « carrière » et « challenge » qui y voient respectivement une opportunité pour faire valoir leurs compétences ou apprendre. Pour reprendre le vocabulaire de Metzger, ce dispositif a permis de créer des « auxiliaires de la domination » qui, sans avoir de prise sur la définition des normes en vigueur, les perpétuent dans l’espoir d’accéder à de plus hautes fonctions.

Conclusion

Le projet contribue donc à une transformation des modalités de domination, moins basées sur des formes hiérarchiques que sur des structures souples régies par des contrats économiques. Ces nouvelles modalités reposent sur des incitations, de l’auto-contrôle et la mise en concurrence des parties. Il participe ainsi également d’un affaiblissement des leviers traditionnels de résistance des salariés : le collectif et les logiques métiers. Les modalités de pilotage du changement mises en place participent du renforcement des mécanismes de domination en excluant les salariés de toute discussion sur le contenu du projet.

Néanmoins, si les porteurs du projet n’ont pas souhaité ouvrir des espaces pour débattre sur le contenu du projet, il n’en reste pas moins que celui-ci a connu un important retard et au-delà de nombreuses évolutions. L’application du projet a été  ainsi fortement différente de ce qui avait été prévu. L’opposition des salariés a certainement joué un rôle dans ce processus. Néanmoins, il est avant tout dû aux difficultés liées à sa mise en œuvre. Le projet ayant étant conçu en fonction d’une norme managériale et sans tenir compte des spécificité du service, il s’est révélé difficile à mettre en œuvre. Le contrat entre le service et son partenaire s’est ainsi révélé impossible à honorer. Le partenaire se faisait fort d’obtenir des sous-traitants une baisse du coût des prestations croissante selon le volume d’activité que le service s’engageait à sous-traiter. Le service a alors promis une augmentation de ce volume qu’il a été difficile de mettre en œuvre en pratique. En effet, il se heurtait à des contraintes opérationnelles qui n’avaient pas été prises en compte par les concepteurs du projet : réticence des « clients internes », difficulté lié à la phase dans laquelle se trouvait l’activité à sous-traiter (évolution majeure par exemple), question de transfert de compétences ou encore de sécurité des données informatiques. Les difficultés de mise en œuvre de contrat ont, in fine, conduit à abandonner le partenariat. Néanmoins, les porteurs de projet ont affirmé leur souhait de continuer à déployer l’organisation en centre de services tant bien que mal. Quatre ans après le lancement du projet, le taux de sous-traitance a peu évolué, le nombre d’unités organisées en centre de services est limité et une majorité de prestataires est encore dans les locaux du service. Ce recul des porteurs du projet est en partie un trompe l’œil : des éléments du projet « Artémis » ont été mis en place par le biais d’autre projet comme la mise en place d’une logique de guichet unique pour les « clients internes ». Néanmoins, un compromis informel s’est installé qui n’est pas passé par la construction d’un accord, mais par une négociation au cas par cas des modalités organisationnelles acceptables.

La trajectoire organisationnelle du projet « Artémis » montre que les rapports de domination ne se jouent pas de manière unilatérale entre deux groupe : les dominants qui imposent et les dominés qui subissent. Il existe des divisions et des luttes de pouvoir au sein et entre ces groupes. Ainsi, la direction du service et le partenaire ont tout d’abord été alliés dans la mise en place du projet mais la fin de cette alliance a conduit à d’importantes remises en cause. Différentes sources de prescriptions co-existent et toutes ne vont pas dans le même sens ni ne s’imposent avec la même force. Par ailleurs, au niveau de la réalisation de l’activité de travail, celles-ci peuvent parfois être remises en cause. Les risques que le projet « Artémis » faisait porter sur la qualité des livrables du service ont conduit la direction à mettre de l’eau dans son vin. Sans vouloir idéaliser les marges de manœuvre en local, on voit bien dans cet exemple que le point de vue des salariés n’a pas été pris en compte avant que des obstacles concrets se dressent sur le chemin du projet « Artémis », les salariés disposent d’un levier dans les rapports de force en raison de leur expertise sur les activités. Sans renverser le rapport de domination, la mise en avant de ces obstacles a permis de modifier un projet descendant dans lequel ils n’avaient pas de place.

 

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